Réconcilier l’enfant que tu as été avec l’adulte que tu es devenu
- Romain Thorez
- 11 nov.
- 6 min de lecture
Il y a des soirs où le silence du présent réveille des échos du passé. Une odeur, une chanson, une lumière dans la rue… et soudain, tu ressens ce pincement doux et flou qui te ramène à ton enfance. Pas forcément à un souvenir précis, mais à une sensation : celle d’avoir été petit, curieux, vulnérable — et parfois perdu.
On pense souvent que l’enfance s’arrête quand on commence à payer des factures, mais c’est faux. L’enfance, elle vit encore en toi, planquée quelque part entre ton plexus solaire et ta mémoire émotionnelle. Elle chuchote quand tu doutes, elle s’émerveille quand tu t’autorises, elle boude quand tu t’oublies. Et parfois, elle te fait des crises, parce qu’elle a besoin d’être entendue.
🌙 L’enfant en toi n’a pas disparu : il attend ton regard.
Tu peux avoir changé mille fois de peau, d’adresse, de métier ou de relation…Mais cet enfant-là — celui qui a tout ressenti trop fort, trop tôt, ou pas assez — il n’est jamais parti. Il s’est juste adapté. Il a appris à se taire quand on ne l’écoutait pas, à sourire quand il avait peur, à faire semblant d’aller bien pour ne pas déranger.
Et aujourd’hui encore, quand tu sens monter une tristesse “inexpliquée”, une colère sans cause, un découragement soudain, c’est souvent lui qui frappe à la porte. Il ne veut pas te faire mal. Il veut juste que tu l’entendes dire :
“J’ai eu peur.” “J’ai eu mal.” “J’ai eu besoin, et personne n’a su le voir.”
Et parfois aussi :
“J’étais heureux, mais on ne m’a pas laissé le montrer.”
Il y a dans chaque adulte une somme d’émotions d’enfant qui n’ont pas eu le temps de se vivre. Des questions restées suspendues. Des élans interrompus. Des colères rentrées. Des rires étouffés.
Tu n’as pas à “guérir” ton enfance comme on répare une erreur. Tu n’as pas à la juger, ni à la réécrire. Tu peux simplement lui tendre la main.
🌿 Accueillir sans rejouer
L’un des pièges de l’adulte conscient, c’est de vouloir tout comprendre, tout analyser, tout ranger dans la boîte “développement personnel”. Mais ton enfance n’a pas besoin d’un diagnostic. Elle a besoin d’un témoin. Quelqu’un qui dit :
“Je vois ce que tu as vécu, je comprends pourquoi tu as fait comme tu as pu. Et c’est ok.”
Pas besoin d’excuser qui que ce soit. Pas besoin de réécrire le scénario. Juste reconnaître : il y a eu des choses dures, des injustices, des manques, des maladresses. Et malgré tout, tu es là. Tu as grandi. Tu as aimé. Tu continues d’aimer.
La réconciliation, c’est ça : cesser de se battre avec ce qui a déjà eu lieu. Ne plus rejouer le film en espérant en changer la fin. Mais regarder l’écran en disant :
“Merci d’avoir survécu à ça. Maintenant, on peut passer à la scène suivante.”
☀️ Grandir, ce n’est pas trahir son enfance
Tu n’as pas besoin de devenir l’adulte parfait pour “honorer” ton enfant intérieur. Il n’attend pas que tu sois zen, riche ou éveillé. Il veut juste que tu sois vrai. Que tu oses dire quand tu as peur, que tu t’accordes de jouer, que tu te laisses émerveiller sans raison.
Grandir, ce n’est pas effacer les blessures de l’enfance. C’est apprendre à les regarder sans qu’elles te gouvernent. C’est accepter d’avoir été fragile sans te sentir faible. C’est te donner aujourd’hui ce qu’on n’a pas su t’offrir hier.
Peut-être que personne ne t’a appris à poser des limites. Alors tu en poses maintenant, même si c’est maladroit. Peut-être qu’on t’a fait croire que pleurer, c’était “trop”. Alors tu pleures avec douceur, parce que c’est ton corps qui nettoie l’ancien. Peut-être qu’on ne t’a pas dit “je t’aime” comme tu en avais besoin. Alors tu apprends à le dire à toi-même, même sans certitude.
🌈 Le non-jugement, ou la tendresse qui libère
On a tendance à juger nos souvenirs comme on juge nos photos d’ados : avec un mélange de tendresse et de gêne. Mais juger ton passé, c’est comme te juger à un moment où tu ne savais pas encore comment faire autrement.
Le non-jugement, c’est dire à ton ancien toi :
“Tu as fait de ton mieux, avec ce que tu avais. Je ne t’en veux pas.”
Et ce “je ne t’en veux pas”, il agit comme une clé. Parce qu’à chaque fois que tu revis un souvenir difficile, ce n’est pas l’événement en lui-même qui te blesse —c’est la résistance que tu y mets encore. C’est ton besoin d’avoir été différent, plus fort, plus conscient, plus préparé.
Mais tu ne pouvais pas. Et c’est très bien comme ça.
Le pardon de soi n’est pas une formule spirituelle à réciter :c’est une respiration qui dit “stop” à la culpabilité chronique. C’est une caresse énergétique sur l’épaule de ton passé. Et tu verras, à force de douceur, la honte se transforme en tendresse. La colère se transforme en compréhension. Et la peur… en paix.
🌻 Libérer, ce n’est pas oublier
On parle souvent de “lâcher prise”, mais on oublie de dire que certaines choses ne se lâchent pas comme une corde : elles s’adoucissent. Libérer ton passé, ce n’est pas effacer les souvenirs. C’est les revisiter avec un regard neuf. C’est cesser de les porter comme des poids, pour les transformer en racines.
Chaque blessure d’enfant t’a appris quelque chose sur la lumière. La solitude t’a appris à écouter. Le rejet t’a appris à aimer sans garantie. La peur t’a appris la présence. Et l’incompréhension t’a appris à t’ouvrir.
Rien n’était “juste”, peut-être. Mais tout t’a construit. Et maintenant, tu as le choix : continuer de te définir par ce que tu as vécu, ou honorer la force que tu en as tirée.
🕯️ L’acceptation, cette guérison silencieuse
Accepter, ce n’est pas dire “c’était bien”. C’est dire “c’est fait”. C’est reprendre ton énergie là où tu l’avais laissée. C’est décider de ne plus laisser un souvenir piloter ton présent.
L’acceptation, c’est une lumière douce, pas un spot de révélation. Elle ne crie pas, elle chuchote. Elle dit :
“Tu peux arrêter de te défendre maintenant.”
Et quand tu arrêtes de te défendre, tu découvres un espace immense en toi. Un espace où il y a encore un peu de l’enfant — mais apaisé, tranquille, rassuré. Cet espace, c’est celui de la liberté émotionnelle.
Tu n’as plus besoin de “comprendre pourquoi” à chaque instant. Tu n’as plus besoin de tout réparer. Tu peux juste vivre, avec douceur et présence.
💫 Le dialogue intérieur
Si tu veux réconcilier ton enfant intérieur, commence par lui parler. Pas comme à un concept, mais comme à une personne réelle, vivante, curieuse. Tu peux fermer les yeux et lui dire :
“Je suis là maintenant. Tu n’as plus à gérer tout seul.”
Tu verras, il n’attendait que ça. Et il ne te demandera pas des miracles, juste de l’attention. Peut-être un peu de jeu, un peu de rire, un peu de permission.
Ce dialogue-là, c’est une forme de soin. C’est une manière de redonner du sens à ce qui a été douloureux. C’est aussi une manière de retrouver la légèreté perdue dans le sérieux de l’âge adulte.
Et oui, tu as le droit de redevenir léger sans être naïf. De redevenir joueur sans être irresponsable. De redevenir rêveur sans fuir la réalité.
L’enfant intérieur, ce n’est pas ton passé — c’est ta capacité à aimer sans condition, à t’émerveiller sans raison, à croire sans preuves.
🌸 En vérité…
Tu n’as jamais cessé d’être cet enfant. Tu l’as juste habillé d’expériences, de peurs, de devoirs, de fatigue. Mais au fond, il est là — et il t’attend.
Chaque fois que tu t’autorises à rire jusqu’aux larmes, chaque fois que tu t’émerveilles d’un coucher de soleil ou du bruit de la pluie, chaque fois que tu choisis la douceur au lieu de la rigidité, tu le laisses respirer un peu plus.
Et quand tu l’accueilles pleinement, quelque chose de magique se passe :les rancunes du passé se dissolvent. La colère contre les anciens adultes s’adoucit. Et la vie reprend une couleur que tu croyais perdue : la confiance.
Cette réconciliation ne se fait pas en un jour. Elle se fait chaque fois que tu choisis la compréhension plutôt que le jugement. Chaque fois que tu laisses la lumière passer à travers ce qui te faisait mal. Chaque fois que tu te dis :
“C’était moi. C’était difficile. Mais c’était moi. Et je choisis de m’aimer quand même.”
Et peut-être que ce soir, avant de dormir, tu pourrais poser ta main sur ton cœur et dire :
“Merci, petit moi, d’avoir tenu le coup.” “Merci de m’avoir amené jusqu’ici.” “Je veille sur nous maintenant.”
Parce qu’à la fin, c’est ça, grandir : non pas oublier l’enfant, mais devenir celui qui le rassure enfin. 💖
Souffle & Clarté – Romain
La spiritualité, c’est parfois juste une conversation tendre avec l’enfant qu’on a été. 🌙

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